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15 décembre 2014

Projet de loi asile : l’assemblée nationale se prononce

Le projet de loi relatif à la réforme de l’asile vient de finir son premier examen à l’assemblée nationale.

La FNARS et un ensemble d’associations qui accueillent et accompagnent au quotidien les demandeurs d’asile se sont largement mobilisés pour faire évoluer ce projet de texte afin qu’il garantisse effectivement le droit d’asile.

Point d’étape sur les avancées obtenues et les reculs inquiétants.

Les associations ont fait connaitre leur positionnement et ont proposé un certain nombre d’amendements aux députés dans le cadre de l’examen de ce texte. Une conférence de presse collective s’est tenue, le lundi 8 décembre, à la veille de l’ouverture des débats afin de présenter les points de vigilance communs à toutes ces associations.

Sur proposition de la FNARS, certains députés ont repris des amendements permettant d’améliorer le projet de loi,  sans toutefois réussir à faire adopter l’ensemble des dispositions qui auraient permis pourtant de réformer par le haut le droit d’asile en France.

Sur la procédure

Alors que les associations avançaient un certain nombre d’éléments pour éviter que le raccourcissement des délais ne rime pas avec une procédure expéditive, les dispositions que nous avancions collectivement n’ont pas été totalement reprises. En effet, même si le texte éclaircit la notion de droit au séjour puisque l’attestation de maintien sur le territoire français qui sera délivrée au demandeur d’asile vaudra « autorisation provisoire de séjour », la préfecture pourra toujours placer un demandeur d’asile en procédure accélérée et l’OFPRA clore une demande d’asile dans un certain nombre de situations. Cependant, l’OFPRA ne pourra plus clôturer la demande d’asile dans le cas où le demandeur n’aura pas sollicité une autorisation d’absence de son lieu d’hébergement, ce qui était manifestement disproportionné et contraire au droit d’asile. La présence d’un tiers à l’entretien de l’OFPRA sera désormais possible. Ce tiers pourra être soit un avocat, soit un représentant d’une association[1]. Le financement de la présence de ce tiers à l’entretien n’est en revanche pas évoqué dans le projet de loi.

Sur la vulnérabilité

Nos préoccupations sur la détection de la vulnérabilité n’ont pas été totalement suivies par les députés même si nous pouvons nous satisfaire de certaines avancées. L’OFPRA pourra toujours demander qu’un demandeur d’asile se soumette à un certificat médical alors qu’il parait plus opportun que cette décision soit laissée à la seule appréciation du demandeur d’asile. Le risque étant de systématiser la possibilité pour l’OFPRA d’exiger une preuve médicale alors qu’elle ne peut constituer à elle-seule la véracité d’un récit. Le placement des mineurs non accompagné en zone d’attente reste toujours possible dans le projet de loi, même s’il ne pourra l’être qu’à titre exceptionnel.

Concernant la vulnérabilité des demandeurs d’asile, l’OFII reste en charge de son évaluation ( et non plus de sa détection) alors qu’il nous paraissait important de ne pas laisser cette responsabilité à un organisme placé sous la tutelle du ministère de l’intérieur, au risque de confondre la protection des demandeurs d’asile, et notamment leur état de santé avec une politique de gestion des flux migratoires.

Une avancée à souligner : le texte précise que l’OFII devra s’entretenir individuellement avec chaque demandeur d’asile pour déterminer ses besoins particuliers en matière d’accueil. Lors de cet entretien, l’OFII sera en charge de l’informer de la possibilité de bénéficier d’un bilan de santé gratuit délivré par une caisse primaire d’assurance maladie. L’orientation vers un hébergement telle qu’elle sera proposée par l’OFII devra prendre en compte les besoins du demandeur mais également « sa situation sanitaire et familiale ». La personne sera également informée des conséquences du refus de l’hébergement proposé. Ces éléments n’étaient pas précisés dans le texte initial.

Sur les conditions matérielles d’accueil

Le texte propose des avancées et consacre des reculs inquiétants sur les conditions matérielles d’accueil.

1. Les avancées du texte

Les députés ont insisté pour que soit garanti un accompagnement juridique et social pour les demandeurs d’asile hébergés en structure d’urgence, ce qui n’était pas prévu dans le texte initial et qui est une réelle avancée par rapport à la réglementation actuelle qui ne prévoit que de l’hébergement « stricto-sensus »[2].

Les mesures de contrôle à l’intérieur des établissements ont été également supprimées puisque n’apparaissent plus les autorisations d’absence des lieux d’hébergement pour les demandeurs d’asile. En conséquence, l’absence d’autorisation n’a donc plus de conséquences sur la procédure d’asile ni sur les conditions matérielles d’accueil.

Les associations souhaitaient que le schéma d’orientation national prenne en compte non seulement l’hébergement des demandeurs d’asile mais également leur accompagnement. Les députés ont eu une position de compromis et ont souhaité consacrer un schéma national d’accueil pour demandeur d’asile qui sera complété par un schéma régional, lequel donnera une visibilité sur l’enregistrement des demandes, le suivi et l’accompagnement des demandeurs d’asile. Le schéma national est soumis pour avis au ministre du logement et au ministre des affaires sociales. Il est transmis au parlement. L’interministérialité de l’accueil et de l’hébergement progresse donc, ce principe ayant été largement défendu par les associations dès la concertation nationale engagée en juillet 2013.

Le droit au travail et l’accès aux formations professionnelles sont désormais inscrits dans la loi. Les demandeurs d’asile pourront avoir accès au marché du travail et aux formations professionnelles si l’OFPRA n’a pas statué sur leur demande au bout de 9 mois de procédure. Cette disposition ne fait que transposer les dispositions prévus par la directive « accueil ». Elle ne permettra cependant pas de garantir un accès effectif au marché du travail puisque la procédure d’autorisation de travail préalable reste inchangée (opposabilité de la situation de l’emploi). Avec la fusion de l’allocation mensuelle de subsistance et de l’allocation temporaire d’attente, les députés ont affirmé la prise en compte de la composition familiale dans le calcul de cette nouvelle « allocation pour demandeurs d’asile », délivrée à tous les demandeurs d’asile qui auront accepté l’orientation proposée par l’OFII.

2. Des reculs inquiétants

Le schéma d’orientation directif mis en place par le projet de loi n’est pas remis en question par les députés. Il est contraignant à l’égard des demandeurs d’asile car un demandeur d’asile, s’il refuse l’orientation que lui proposera l’OFII, se verra exclu d’un certain nombre de droits : l’allocation pour demandeur d’asile tout d’abord (ce qui est déjà le cas aujourd’hui) mais le projet de loi va plus loin puisqu’il exclut ce demandeur d’une orientation en CHRS(insertion ou d’urgence) ainsi que dans les lieux d’hébergement[3]. Ainsi, seule une solution à l’hôtel, sans accompagnement, pourra être proposée à ces personnes alors que l’on sait que sur certains départements, l’accès à un hébergement est souvent matériellement impossible, notamment pour les personnes isolées. Ces demandeurs d’asile ne pourront plus se retourner vers le « droit à l’hébergement opposable » dont la possibilité de recours leur est désormais fermée. Ces dispositions remettent ainsi en cause le principe de l’accueil inconditionnel puisqu’il exclut des publics de l’accès à l’hébergement d’urgence de droit commun et demande au SIAO de s’assurer de la situation administrative des personnes pour les exclure d’un droit alors que cela ne relève pas de leur mission.

Concernant le premier accueil, le texte de loi affirme pour la première fois que l’OFII pourra conclure des conventions avec des personnes morales pour « assurer certaines prestations d’accueil, d’information et d’accompagnement des demandeurs d’asile pendant la période d’instruction de leur demande ». Cette relative reconnaissance des missions des plates-formes d’accueil pour demandeurs d’asile est toutefois très large puisque le texte, tel que rédigé, ne circonscrit pas leur missions aux demandeurs d’asile qui ne seraient pas hébergés ou accompagnés. Celui-ci pourrait donc, à terme, permettre une externalisation de certaines missions effectuées en CADA ou en hébergement d’urgence (ex : aide au récit, domiciliation…) et aboutissant à ce que la FNARS a toujours refusé : la dissociation d’un hébergement et d’un accompagnement.

Sur l’aide sociale en CADA, le gouvernement a souhaité apaiser une partie des craintes que nous soulevions en précisant dans la loi que « les frais d’accueil et d’hébergement dans les lieux d’hébergement destinés aux demandeurs d’asile sont pris en charge par l’Etat ». Cette disposition n’est pas satisfaisante car l’aide sociale n’est pas uniquement la garantie d’une prise en charge financière par l’Etat, c’est également la reconnaissance d’un droit pour les personnes qui peuvent s’adresser aux commissions départementales d’admission à l’aide sociale en cas de défaillance d’un préfet. Elle garantit également un certain nombre de garde-fous sur la qualité de cet accueil. Ces garanties sont remises en cause dans le projet de loi notamment à travers l’allègement des procédures d’évaluation et la suppression de la procédure d’appel à projet. Cette notion d’aide sociale affirme également que le rapport entre l’association et l’Etat, dans l’accueil des demandeurs d’asile, ne peut être que celui du partenariat et non d’un simple exécutant ou de prestataire. Pourtant, selon la rapporteur du projet de loi, « un centre d’accueil pour demandeurs d’asile agit pour le compte de l’État dans le cadre d’une mission de service public ». Conséquences : la procédure d’expulsion locative des personnes qui se maintiendraient en présence indue sera désormais portée devant le tribunal administratif dans des délais très courts.

Or, les établissements sociaux et médico-sociaux définis dans le code de l’action sociale et des familles et dont les missions sont rappelées par le Conseil d’Etat[4] assurent une « mission d’intérêt général et d’utilité sociale », incompatibles avec une mission de service public et de la réglementation qui en découle.

Sur la domiciliation

Le texte prévoit explicitement que la domiciliation n’est plus une condition préalable au dépôt de la demande d’asile. Cependant, là où le texte initial restait muet sur la nécessaire domiciliation des demandeurs d’asile pour l’ouverture de leurs droits, les députés ont préféré réaffirmer dans la loi le principe d’une domiciliation spécialisée des demandeurs d’asile qui ne seraient pas hébergés ou sans domicile stable « pour chaque département ». Cette formulation laisse craindre qu’un seul organisme ne soit agrée pour la domiciliation des demandeurs d’asile dans chaque département. Cette solution n’est pas satisfaisante puisqu’elle ne permet pas de répondre à l’ensemble des demandes. La FNARS avec un certain nombre d’associations souhaitaient que l’accès à la domiciliation généraliste et de droit commun puisse être possible pour les demandeurs d’asile. Cette solution n’a pas été retenue.

Sur les bénéficiaires d’une protection internationale

Outre l’assouplissement des conditions du bénéficie du rapprochement familial, notamment sur les documents d’état civils qui sont demandés (reconnaissance de la possession d’état), le texte a pu évoluer concernant les documents de séjour délivrés dès l’octroi du statut. Ainsi, les réfugiés et les bénéficiaires d’une protection subsidiaire seront titulaires dans un délai de 8 jours à compter de leur demande d’un récépissé de 6 mois renouvelable (et non plus de 3 mois) valant autorisation de travail. Pour les bénéficiaires d’une protection subsidiaire, l’accès à une carte pluriannuelle de 4 ans donnant droit à l’exercice d’une activité professionnelle est favorisé par les députés.

Les suites du projet de loi

Ce texte poursuivra son examen devant le Sénat sans que le calendrier ne soit aujourd’hui connu.

Le texte étant placé en procédure accélérée, il n’y aura qu’un seul examen du texte à l’assemblée nationale et qu’un seul au Sénat. En cas de désaccord entre les deux assemblées, une commission mixte paritaire composée de 7 députés et 7 sénateurs essaiera de se mettre d’accord sur un texte de compromis. Si le compromis n’est pas trouvé, le gouvernement, peut demander à l’Assemblée nationale de statuer en dernier ressort. Dans ce cas, c’est le texte tel qu’il est adopté par l’Assemblée nationale qui devient loi.

Ce texte doit être mis en perspective avec les futurs débats sur le projet de loi relatif aux étrangers en France qui interviendra après le vote définitif du projet de loi relatif à la réforme de l’asile. En effet, dans ses dispositions relatives à l’intégration des étrangers et à l’éloignement des migrants, ce texte a des liens étroits avec le projet de loi relatif à l’asile. La FNARS essaiera d’infléchir, comme elle l’a fait sur le projet de loi l’asile, les dispositions qui sont contraires à un accueil digne et faisant obstacle à une intégration réussie des migrants.

Pour télécharger le texte résultant des délibérations de l’assemblée nationale

Pour lire les débats sur les dispositions sur les conditions matérielles d’accueil (article 14 et 15)  : http://www.assemblee-nationale.fr/14/cri/2014-2015/20150097.asp

Pour visionner les débats :

1ere séance :  http://videos.assemblee-nationale.fr/video.6204.1ere-seance–questions-au-gouvernement–reforme-de-l-asile-suite-suite-de-l-article-premier-a-l-10-decembre-2014

2ème séance: http://videos.assemblee-nationale.fr/video.6209.2eme-seance–reforme-de-l-asile-suite-article-6-suite-a—10-decembre-2014

3ème séance : http://videos.assemblee-nationale.fr/video.6212.2eme-seance–reforme-de-l-asile-suite-articles-14-a-23-11-decembre-2014


[1] Ces associations devront être des associations de défense des droits de l’homme, de défense du droit des étrangers ou des demandeurs d’asile, de défense des droits des femmes ou des enfants ou de lutte contre les persécutions fondées sur le sexe ou l’orientation sexuelle.

[2] Circulaire du 24 mai 2011 relative au « Pilotage du dispositif d’hébergement d’urgence des demandeurs d’asile financé sur le programme 303 « Immigration et asile » 

[3] Qui relèvent du régime de la déclaration donc tous les centres d’hébergement qui n’ont pas le statut CHRS et qui sont financés par l’Etat sous la forme de subvention.

[4] CE, section contentieux, APREI, 22 juillet 2007 n°264541